Histoire de la peine de mort en Russie

Viatcheslav Volodine

TASS DOSSIER. Le président de la Douma (chambre basse du parlement russe), Viatcheslav Volodine, a déclaré le 26 mars 2024 que toutes les lois nécessaires à l’exécution de la peine de mort en Russie étaient déjà adoptées et que la décision finale sur l’introduction du châtiment suprême dépendait désormais de la Cour constitutionnelle. M. Volodine a soutenu la position du chef du comité de la Douma pour la législation Pavel Kracheninnikov sur le fait que “toutes les décisions doivent être prises froidement et avec le calcul de toutes les circonstances”.

Peine de mort dans l’histoire de la Russie

La peine de mort a été décrétée et abolie plusieurs fois en Russie. La Rousskaïa Pravda, le premier recueil de lois russes (XIe-XIIe siècles) ne prévoyait pas de peine de mort. À l’époque d’Ivan le Terrible a été introduite la pratique des peines de masse et des peines publiques via la décapitation, la pendaison, la noyade, l’écartèlement, le supplice du pal et le bûcher. Certains monarques, au moment de leur accession au trône, décrétaient l’amnistie pour des voleurs et des brigands condamnés à mort, en envoyant ces criminels aux bagnes. C’est ce qu’ont fait notamment les tsars Alexis Ier et Pierre le Grand. Le règlement militaire adopté par Pierre le Grand en 1716 contenait 123 crimes passibles de peine de mort.

Entre 1743 et 1754, l’impératrice Élisabeth Petrovna a remplacé la peine de mort par la flagellation avec un fouet (knout) et les bagnes éternels. Les dossiers de toutes les personnes condamnées à mort étaient envoyés au Sénat et examinés par l’impératrice en personne. Catherine II considérait la peine de mort comme justifiée au cas où les criminels détenus dans des prisons pourraient “troubler le calme populaire”.

Pendant le règne d’Alexandre Ier (1801-1825), la peine de mort a été appliquée 24 fois, principalement pendant la guerre de 1812. Pendant le règne de Nicolas Ier (1825-1855), ont été exécutées 40 personnes dont cinq décembristes. L’empereur affirmait qu’en Russie, la peine de mort n’était appliquée que dans des cas exceptionnels. Pendant le règne d’Alexandre II (1855-1881), la peine de mort a été remplacée par l’exil, le bagne ou la réclusion perpétuelle. Après la Révolution de 1905, pour répondre à la hausse des attentats, le gouvernement russe a introduit des cours martiales qui ont condamné à la peine de mort 2.800 personnes.

Peine de mort pendant la période soviétique

Le 28 octobre 1917, le Deuxième Congrès panrusse des Soviets a aboli la peine de mort mais déjà en été 1918 a commencé l’époque de la terreur rouge. Les bolchéviques se sont remis à fusiller les condamnés, mais aussi les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes, sans procédure judiciaire. Le code pénal de la République socialiste fédérative soviétique de Russie adopté en 1926 prévoyait la peine de mort pour plus de 40 crimes (organisations d’insurrections armées dans des buts contre-révolutionnaires, espionnage, banditisme, falsification de monnaies). Pendant les répressions de 1937-1938, les organes du Commissariat du peuple aux Affaires intérieures (NKVD) ont condamné à mort 681.692 personnes. Pendant la Grande Guerre patriotique de 1941-1945, ont été menées les exécutions des collaborateurs nazis.

Le 26 mai 1947, le Conseil suprême de l’URSS a remplacé la peine de mort par une réclusion de 25 ans dans des colonies pénitentiaires. Le 12 janvier 1950, la peine de mort a été de nouveau introduite pour les traîtres à la Patrie et les saboteurs, et à partir du 30 avril 1954, aussi pour ceux qui avaient commis un meurtre intentionné. En 1962, la peine de mort a également été décrétée pour ceux qui ont commis des crimes économiques, notamment des vols à grande échelle. Entre 1962 et 1989, 24.422 personnes ont été condamnées à mort. Par la suite, la peine a été adoucie pour 2.355 d’entre elles.

Vers les années 1990, le code pénal de la République socialiste fédérative soviétique de Russie comptait plus de 30 crimes qui prévoyaient la peine de mort. On y trouvait notamment la trahison de la patrie, l’espionnage, le meurtre intentionné, le vol de bien public à grande échelle et la désertion.

Adoucissement des peines suite à la chute de l’URSS

Suite à la chute de l’Union soviétique, entre 1992 et 1996, 770 personnes ont été condamnées à la peine de mort. 78 d’entre elles ont été exécutées. En février 1996, la Russie est entrée dans le Conseil de l’Europe et s’est engagée à suspendre l’exécution des peines de mort et à adopter une loi sur son abolition. Un moratoire sur l’exécution des peines de mort a été introduit.

Le 16 avril 1997, la Russie a signé le Protocole N°6 de la Convention européenne de la protection des droits de l’homme. Le moratoire sur l’exécution des peines de mort est entré en vigueur sur le territoire du pays. Cependant, la Russie n’a pas ratifié le Protocole.

Le 2 février 1999, la Cour constitutionnelle de Russie a interdit de prononcer des verdicts sur la peine de mort en l’absence de cours d’assises. En 2009, la Cour a reconnu l’impossibilité de la condamnation à la peine de mort suite à la création de ces cours.

Discussions publiques

Après l’attentat du 22 mars 2024 à la salle de concert Crocus City Hall, des hommes politiques ont proposé de remettre la peine de mort en Russie. Le président du groupe parlementaire Russie unie Viatcheslav Volodine a déclaré à la presse à la Douma que le thème de la peine de mort pour le terrorisme serait profondément étudié pour pouvoir prendre une décision répondant aux attentes de la société. Le président du comité de la Douma pour les affaires étrangères Leonid Sloutsky a écrit sur sa chaîne Telegram que dans ce genre de situations, il était possible et nécessaire de faire une exception au moratoire sur l’exécution des peines de mort.