L’histoire du sapin de Nouvel An en Russie

Arbre du Nouvel an

Dossier TASS. Un sapin de la région de Moscou a décoré la place des Cathédrales au Kremlin pour le nouvel an. L’arbre est âgé de 90 ans, comme d’habitude, la sélection a été effectuée selon les “normes du Kremlin”, à savoir la hauteur et l’âge de l’arbre, le diamètre du tronc, la forme de la cime, l’envergure des branches inférieures et l’absence de défauts.

Des représentants de l’administration du président russe, du gouvernement de la région de Moscou et du comité forestier de la région de Moscou, ont entamé la recherche d’un sapin approprié en été. Ils ont parcouru plus de 3.000 kilomètres, afin de trouver le principal sapin de Noël russe et l’ont enfin choisi parmi 25 autres “candidats”.

L’apparition des premiers sapins de Noël en Russie

Les premiers sapins de Noël font leur apparition en Russie au Temps des Troubles (1598-1613), après l’intervention polonaise. Toutefois, la tradition ne s’ancre pas et des sapins sont installés uniquement chez le tsar et dans les maisons de boyards. Sous le règne de Pierre le Grand (1672-1725), les conifères commencent à être dressés à la veille des fêtes à Moscou: sur la place des Cathédrales du Kremlin ou dans la galerie marchande de Gostiny Dvor. La tradition a été calquée sur les Européens qui habitaient dans le quartier allemand de la ville (aujourd’hui le quartier de Lefortovo).

Les 29 et 30 décembre 1699, Pierre le Grand publie deux décrets introduisant un nouveau calendrier et la célébration du Nouvel An. Les documents prescrivent de compter le début du calendrier à partir de la naissance du Christ et de célébrer le Nouvel An à l’instar des pays chrétiens européens le 1er janvier. La Russie avait utilisé jusqu’ici le système byzantin (basé sur le calendrier julien) où le décompte commençait à “la création du monde”, c’est-à-dire à partir de 5508 av. J.-C., tandis que la nouvelle année démarrait le 1er septembre.

Les rues principales de Moscou et les maisons de la noblesse devaient être décorées de conifères et de branches, alors que les autres habitants se voyaient ordonner de mettre “un arbre ou placer une branche sur les portes ou à l’entrée de leur maison”. Les fêtes du Nouvel An duraient sept jours. Les habitants devaient se formuler réciproquement des vœux, allumer des feux dans les rues, tirer aux fusils et aux mousquets et lancer des pétards. Ceux qui venaient sur la place Rouge pouvaient assister au tir de salves de canon et de fusil ainsi que de feux d’artifice.

Les sapins étaient décorés et installés le 25 décembre et restaient jusqu’au Nouvel An. Le premier arbre de Noël pour le public a été placé en 1852 à Saint-Pétersbourg. Les représentants de la noblesse, les commerçants et les industriels organisaient des fêtes caritatives pour les enfants.

La tradition du sapin de Noël a été interrompue pendant la Première Guerre mondiale. Les prisonniers de guerre allemands d’un hôpital de Saratov ont organisé en 1915 une fête de Noël, provoquant une réaction négative de la presse russe. L’empereur Nicolas II a finalement interdit les sapins à l’occasion de Noël.

Après la révolution de 1917

L’interdiction a été levée après la révolution d’Octobre de 1917. Le 31 décembre de la même année, le premier arbre de Noël public a été dressé à l’école d’artillerie Mikhaïlovskoïe de Petrograd. Le Kremlin de Moscou, endommagé par des tirs en novembre 1917, n’a pas organisé de fête.

La tradition des fêtes de Noël et du Nouvel An est préservée dans les années qui suivent. Les enfants de personnalités d’État et du parti peuvent en profiter au Grand palais du Kremlin. Mais au milieu des années 1920, le pays déploie une campagne anti-religieuse. Le 24 septembre 1929, le Conseil des commissaires du peuple (gouvernement) interdit la célébration de Noël. Les fêtes officielles du Nouvel An sont également annulées en tant que “survivances bourgeoises et religieuses”.

La renaissance dans les années soviétiques

Le 28 décembre 1935, le journal Pravda publie un article du second secrétaire du Comité central du Parti communiste bolchevik d’Ukraine, Pavel Postychev, intitulé “Organisons un sapin de Noël pour les enfants”. L’auteur propose de mettre fin à “une condamnation erronée du sapin” et appelle à organiser des fêtes collectives pour les enfants à l’occasion du Nouvel An. Le lendemain, le journal publie la résolution du secrétaire du Comité central des Jeunesses communistes, Alexandre Kossarev, sur des fêtes organisées le 1er janvier dans les écoles, les clubs d’enfants et les orphelinats par des jeunes.

Une fête autour d’un sapin se tient la même année pour les enfants et les jeunes dans la salle des Colonnes à la Maison des syndicats de Moscou. Elle se déroule en présence du père Noël (interprété par l’artiste Mikhaïl Garkavi). L’année suivante, le père Noël arrive avec Snégourotchka (la Fille de neige).

Le 23 décembre 1947, sur décret du Présidium du Soviet suprême de l’URSS, le 1er janvier est déclaré jour férié et chômé.

Les décorations

Au départ, les sapins sont décorés de confiseries, de fruits, de rubans et de bougies. Puis viennent les jouets généralement associés à des sujets chrétiens. Des cloches, des figurines d’anges et de bergers en porcelaine, coton et papier mâché sont accrochées à l’arbre. Des décorations en verre sont importées dans un premier temps d’Allemagne et, à la fin du XIXe siècle, la Russie organise sa propre production. Emboîtant le pas à l’Europe, la Russie lance la fabrication de sapins de Noël artificiels qui étaient faits initialement en tissu.

Dans les années 1930, les usines soviétiques satisfont presque la demande de décorations pour arbres de Noël. Les jouets en verre peints à la main étant chers, la plupart sont en carton ou en bois et les guirlandes en papier, auxquels viennent s’ajouter des pétards ou des pommes de pin colorées. Les décorations en coton pressé sont très populaires et sont fabriquées jusqu’au milieu des années 1950. Outre les traditionnelles figurines d’animaux et d’oiseaux, les personnages de contes, les flocons de neige et les fleurs, les sapins sont ornés de boules à l’effigie de Lénine et de Staline, de figurines d’explorateurs polaires, de jeunes pionniers aux clairons, de dirigeables, de chars, de tracteurs, de gerbes de blé, d’épis de maïs ou encore de fusées et de satellites.

Le principal arbre de Noël du pays

Depuis décembre 1996, un sapin naturel est installé sur la place des Cathédrales au Kremlin. En 2001-2004, en raison de froids intenses, l’arbre naturel a été remplacé par un sapin artificiel. En 2005 et 2006, les sapins ont été transportés depuis la ville de Veliki Oustioug, la patrie du père Noël, mais le long voyage avait altéré les arbres et depuis 2007, ils sont coupés dans la région de Moscou. La recherche du sapin démarre au printemps ou au début de l’été à l’aide de prises de vues par satellite et hélicoptère. L’arbre est sélectionné par une commission spéciale de l’administration présidentielle en commun avec des représentants des municipalités, des spécialistes de l’exploitation forestière et des transports ainsi que des personnalités de la culture et des arts.

Le principal critère de la sélection est l’aspect visuel, la taille et la résistance aux changements du temps. Pour faciliter le transport et éviter d’abîmer les arbres voisins, les spécialistes choisissent un sapin qui pousse à proximité de la route. Il doit avoir environ 100 ans et au moins 25 m de haut.

Les fêtes terminées, l’arbre est démonté et utilisé pour fabriquer différents objets, allant de souvenirs à des crosses pour équipes d’enfants de hockey sur glace. En janvier 2017, les graines de l’arbre ont été récoltées pour la première fois et envoyées dans une pépinière de conifères. Depuis, c’est une tradition.